Un paysage de carte postale, des cieux roses au lever du soleil, la promesse d’un instant suspendu. Le Mont Fuji fait rêver des millions de personnes. Mais pour beaucoup, ce rêve se transforme vite en déception, voire en frustration aiguë. Pourquoi tant de voyageurs repartent-ils avec un goût amer après leur ascension ? Voici ce qui attend vraiment ceux qui s’aventurent sur les pentes de la montagne sacrée du Japon.
Un sommet victime de son succès
Le Mont Fuji, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2013, attire chaque année près de 300 000 randonneurs durant la saison estivale, principalement en juillet et août. Ses 3 776 mètres d’altitude et ses panoramas spectaculaires en font une destination incontournable.
Mais ce succès a un revers. Contrairement à l’image de sérénité qu’on associe souvent au Mont Fuji, les sentiers sont aujourd’hui encombrés de monde. À certains moments, particulièrement vers 2h du matin, les pentes se changent en une file ininterrompue de randonneurs armés de lampes frontales. Une véritable « autoroute humaine ».
Un lever de soleil gâché par la foule
Beaucoup rêvent d’observer le lever du soleil depuis le sommet. C’est d’ailleurs ce que cherchent à capturer des milliers de randonneurs dans une ascension nocturne. Pourtant, au lieu d’un moment de contemplation, c’est souvent la frustration qui s’installe.
Les vidéos devenues virales sur les réseaux sociaux, notamment TikTok, parlent d’elles-mêmes : sentiers bondés, bruit incessant, ambiance oppressante. Certains témoignent d’embouteillages à flanc de montagne, où il est presque impossible d’avancer sans être collé à quelqu’un d’autre.
La montée devient laborieuse, tant la foule ralentit tout. L’expérience tant espérée perd alors toute sa dimension spirituelle. Plusieurs visiteurs ressortent avec la même exclamation : « Le surtourisme détruit tout ».
Un impact écologique alarmant
Le Mont Fuji, lieu sacré au Japon et symbole de pureté, subit de plein fouet les effets du tourisme de masse. L’explosion de visiteurs s’accompagne de conséquences graves :
- Accumulation de déchets tout au long du parcours
- Érosion des sentiers causée par le piétinement intensif
- Pollution sonore qui trouble le calme du site
- Dérangement de la faune locale
Les autorités japonaises dénoncent aussi l’attitude de certains touristes, davantage préoccupés par leurs selfies que par le respect des lieux. Un sac plastique abandonné sur un sentier, un mégot jeté dans la nature, une canette oubliée sur une pierre… Chaque petit geste pèse sur un écosystème déjà fragilisé.
Des mesures pour tenter d’endiguer le flot
Face à cette situation préoccupante, plusieurs mesures ont été mises en place en 2024 pour limiter les dégâts. Sur le Yoshida Trail, principal chemin d’ascension, un quota journalier a été instauré :
- 4 000 randonneurs par jour sont autorisés
- Des portiques de contrôle filtrent les entrées
- Un droit d’accès payant a été introduit
Ces restrictions visent à préserver l’environnement, mais elles peinent pour l’instant à inverser la tendance. Chaque été, le Mont Fuji continue d’être pris d’assaut. Et les mesures sont contournées par ceux qui choisissent d’autres sentiers, parfois moins préparés ou moins sécurisés.
Repenser notre manière de voyager
Le vrai défi n’est pas seulement de réguler le tourisme, mais de changer les mentalités. Il devient urgent que chaque visiteur comprenne son rôle dans la préservation du lieu. Cela passe par des gestes simples mais essentiels :
- Ramener ses déchets
- Respecter le silence et les autres randonneurs
- Préparer son ascension en avance
- S’informer sur les règles locales
Mais cela passe aussi par une remise en question plus profonde : pourquoi grimpons-nous cette montagne ? Est-ce pour la beauté, pour la spiritualité, ou juste pour enrichir notre feed Instagram ?
Préserver Fuji, c’est préserver un trésor culturel
Le Mont Fuji n’est pas qu’un décor majestueux. Il représente une part essentielle de l’âme japonaise. Symbole de force, de pureté et de méditation, il mérite mieux que d’être transformé en site touristique dénaturé.
Le Japon a amorcé un virage vers un tourisme plus responsable, mais cette transformation nécessite l’engagement de tous. Pour que dans les années à venir, ceux qui cherchent encore le silence des cieux et la magie du lever du soleil puissent la retrouver, là-haut, sur les pentes sacrées du Fuji.
Sinon, ce rêve de sommet pourrait devenir définitivement inaccessible — non pas par sa hauteur, mais par notre propre inconséquence collective.