À quelques minutes de Paris, un géant discret s’étire sur plus d’un kilomètre sans que vous ne le remarquiez. Il s’appelle le Serpentin. Niché à Pantin, au cœur de la cité des Courtillières, cet immeuble hors norme détient un record étonnant : c’est le plus long de France. Et pourtant, des milliers de personnes passent devant chaque jour sans en connaître l’histoire fascinante.
Un ruban architectural aux portes de Paris
Le Serpentin n’est pas un immeuble comme les autres. Contrairement aux blocs rectilignes des années d’après-guerre, il adopte une forme sinueuse, presque dansante. Construit dans les années 1950 par l’architecte Émile Aillaud, cet édifice sort de tous les standards. Il entoure un parc paysager de 4 hectares, créant un ensemble à la fois protecteur et ouvert sur la nature.
Son architecture singulière s’inspire des villes médiévales italiennes et de la ville de Bath, au Royaume-Uni. Le but ? Offrir une alternative à la monotonie des grands ensembles modernes. Aillaud ose une palette colorée inédite pour l’époque : bleu ciel en façade extérieure, rose à l’intérieur. Un vrai choc visuel dans un contexte marqué par le béton gris et les lignes droites.
Un défi d’après-guerre relevé avec audace
À la fin des années 1940, la France manque cruellement de logements. Il faut construire vite, et beaucoup. Pantin semble idéale pour accueillir un projet colossal. En 1964, le Serpentin est livré. Il abrite alors environ 6000 habitants.
La presse s’enthousiasme. Certains surnomment même le quartier “Manhattan à Pantin” en découvrant ce colosse si atypique. Mais avec le temps, le rêve s’érode…
Des années sombres à la renaissance
Dès les années 1980, le Serpentin fait face à la détérioration. Insalubrité, sentiment d’isolement, parties communes dégradées : comme beaucoup de cités trop vite construites, il vieillit mal.
Une première tentative de rénovation échoue. Il faut attendre le début des années 2000 pour voir un vrai projet émerger. En 2016, l’immeuble est classé Monument Historique. Une décision qui change tout.
Une transformation spectaculaire
La réhabilitation, pilotée par l’agence RVA, est lancée. Elle s’achève en 2017, après plus de 15 ans de réflexion. Le chantier est colossal :
- 513 logements rénovés et modernisés
- Espaces de vie agrandis et ouverts sur l’extérieur
- Mosaïques pixellisées sur les façades, imaginées par Pierre di Sciullo, apportant isolation thermique et touche artistique
- Amélioration de la lumière naturelle dans les appartements
- Création de jardins partagés et d’espaces associatifs pour renforcer le lien social
Le Serpentin brille à nouveau, non plus comme une simple barre d’immeubles, mais comme un vrai lieu de vie.
Un choix de société : restaurer plutôt que démolir
La réhabilitation du Serpentin a coûté cher : près de 38 millions d’euros. Plus que s’il avait été rasé et reconstruit. Mais ce choix n’est pas qu’économique. Il affirme une volonté : préserver le patrimoine existant, souvent perçu à tort comme obsolète.
En lui redonnant vie, c’est tout un quartier qui respire mieux. Le parc a retrouvé son éclat, les habitants revivent une qualité de vie oubliée, et l’esprit de la cité-jardin ressurgit. Le Serpentin devient ainsi un symbole d’un urbanisme plus humain, fidèle à l’intuition de son architecte visionnaire.
Un trésor caché à (re)découvrir
Alors la prochaine fois que vous passez par Pantin, ouvrez l’œil. Le ruban bleuté qui ondule derrière les arbres, c’est lui. Un morceau d’histoire, un petit miracle d’architecture, et peut-être un modèle pour la ville de demain.