Le Mont-Blanc attire de plus en plus de passionnés de randonnée. Mais avec cette popularité vient un afflux de visiteurs qui commence à inquiéter. Surfréquentation, hébergements saturés, impact sur la nature : le célèbre Tour du Mont-Blanc est pris d’assaut. Un jour, faudra-t-il dire non à certains marcheurs ?
Un boom de fréquentation depuis la pandémie
Avant le Covid-19, les sentiers autour du Mont-Blanc étaient déjà prisés. Mais depuis la fin des restrictions sanitaires, la fréquentation a littéralement explosé. En 2019, un passage stratégique enregistrait 36 000 randonneurs. En 2023, ce même tronçon en comptait plus de 60 000, uniquement sur les quatre mois d’été.
Cette augmentation n’est pas observée partout. Par exemple, le Tour des Glaciers de la Vanoise a vu une baisse de fréquentation, passant de 34 000 en 2019 à 27 000 passages en 2025. Le contraste est frappant.
Des refuges débordés tout l’été
Les hébergeurs tirent la sonnette d’alarme. Du 20 juin au 20 septembre, les refuges affichent souvent complet en continu. À La Boerne, un refuge de 30 places dans la vallée de Chamonix, les nuitées complètes ont commencé dès la mi-juin.
L’association des gardiens de refuges recense 1 673 lits répartis sur 43 établissements autour du massif. Certains secteurs disposent de plus de 300 couchages, tandis que d’autres peinent à dépasser 200. Malgré cela, il n’est pas question d’augmenter la capacité dans les zones déjà bien pourvues. L’objectif est clair : stabiliser l’offre, non l’élargir.
Le bivouac, entre liberté et désordre
Les refuges ne suffisent plus à absorber tous les randonneurs, qui se tournent donc vers le bivouac. C’est une solution prisée, mais elle entraîne des problèmes. Les ordures, l’absence de toilettes, le bruit : la nature finit par ressembler à un camping sauvage.
Environ 56 % des marcheurs passent au moins une nuit en bivouac. Ce taux élevé génère de nombreuses tensions, surtout quand les emplacements choisis ne sont pas autorisés. Un exemple frappant : le 4 août, à l’aire de bivouac des Chapieux (officielle), 200 tentes étaient installées. Mais entre le refuge des Mottets et le col de la Seigne — une zone interdite — on a compté 125 tentes supplémentaires.
Le seuil critique est atteint
Les éco-compteurs — au nombre de 18 sur le parcours — mesurent désormais des pics de fréquentation à 1 500 randonneurs par jour sur certaines étapes. De plus, les taxis effectuant des transferts vers des hôtels périphériques sont passés de 10 à plus de 40 véhicules pendant l’été.
Face à cette surfréquentation, certaines voix comme celle du maire de Saint-Gervais réclament une régulation forte. Mais les initiatives locales misent plutôt sur une autorégulation. Par exemple, les agences ne peuvent réserver les refuges qu’avec des quotas limités, et les particuliers conservent la priorité sur les lits disponibles.
Vers un modèle plus encadré dès 2026
Une nouvelle plateforme, Autour du Mont-Blanc, a été lancée le 1er octobre. Elle permet de réserver les refuges à l’avance, avec l’idée de mieux organiser les séjours. Et ça fonctionne : pour l’été 2026, certaines dates sont déjà complètes à 100 % depuis mi-novembre.
L’interdiction du bivouac côté italien en vallée d’Aoste montre que le problème dépasse les frontières communales. L’entité transfrontalière Espace Mont-Blanc tente justement de mettre un peu d’ordre dans cette complexité.
Et demain, devra-t-on refuser des randonneurs ?
Le président de l’association des gardiens de refuge, Julien Jean, est clair : « Si tous les gens utilisaient les refuges et les plateformes de bivouac autorisées, ça tiendrait. Mais ce qu’on ne maîtrise pas, c’est tout ce qui déborde. »
La solution passe sans doute par plus de conscience individuelle et un tourisme vraiment durable. Car si rien ne change, il faudra peut-être limiter l’accès au Tour du Mont-Blanc. Et ça, personne ne veut en arriver là.




